vendredi 13 février 2009

ETHIQUE

SCIENCE DE LA MORALE ; ART DE DIRIGER LA CONDUITE (ARISTOTE SPINOZA).
UNE SCIENCE, UN ART.

L'éthique politique a deux objets principaux : la culture de la nature intelligente, l'institution du peuple (opinion des anciens philosophes) Sarrasins.

"... L'éthique bourgeoise ne dérive pas de la providence : ses règlements universels et abstraits sont inscrits dans les choses. Sartre

"Admettre à priori que les phénomènes moraux et les phénomènes juridiques sont inséparables", qu'au sein d'un groupe quelconque l'éthique tout entière tient dans le droit, c'est heurter délibérément les faits les mieux établis (La science des faits moraux).

Science qui prend pour objet immédiat les jugements d'appréciation sur les actes qualifiés bons ou mauvais (Lalande).

Qui concerne la morale, préceptes éthiques, science éthique.

Le Bouddhisme et le Christianisme, religions éthiques plus que métaphysiques, fondées sur les biographies d'une autre nature et d'une plus grande précision que celle d'Osiris, de Zeus, de Vishnou, devaient représenter des individus, Jésus et Siddharta (voix du silence) Malraux.

"La revendication de justice aboutit à l'injustice si elle n'est pas fondée d'abord sur une justification éthique de la justice"(l'homme révolté) CAMUS.

L'ETHIQUE FACE A L'AVENIR

Les vertus morales et intellectuelles doivent être éduquées ensemble pour mieux affronter l'avenir. La transformation de l'exigence éthique doit se faire inventive et lucide. De nouveaux modèles entre l'individu et le groupe sont à redéfinir (individualisme accru et conformisme des opinions et gouts également). Le sens de l'éthique pour juger des actions s'émousse peu à peu par l'arrivée des nouvelles données scientifiques et métaphysiques et des nouvelles formes de responsabilité.

C'est la disparition de la finitude humaine (naissance, mort, rapport aux autres).
Il faut définir les limites ou les seuils des nouvelles capacités d'agir (pour les sciences biomédicales par exemple).
Entre le savoir et l'action s'ouvre un écart rendant incertaines les décisions et confuses les conséquences.
L'homme peut faire aujourd'hui beaucoup plus de choses qu'il y a deux siècles ou meme un demi siècle.

IL EXISTE UN COEUR DE VALEURS PARTAGE PAR TOUTES LES CULTURES.

L'homme toujours plus "maître et possesseur de la nature" demeurait par le passé encore récent dans une position d'observateur.


IL FAUT SE PREPARER A ACCEPTER LA LIBERTE EFFRAYANTE QUI EST LA NOTRE.

Il faut la domestiquer.

A présent nous pouvons imiter la nature et l'orienter, intervenir au coeur des mécanismes de la matière pour la modifier, altérer sa nature si malaisée à définir (hybridation entre naturel et artificiel, imitation de la nature). Il s'agit de l'amélioration de l'être humain en vue d'atteindre l'immortalité, l'impression que la dimension temporelle est abolie.

LES TRAITS FONDAMENTAUX DE LA CONDITION HUMAINE suggèrent de nouvelles dimensions dues au réel. Un monde très différent, une réalité élargie, des capacités de perception humaines considérablement accrues par les technologies nouvelles. Des modalités d'appréhension et de compréhension du réel jusqu'à la manière d'orienter et de décrypter la perception du monde, ainsi que la compréhension des conditions transcendantales de la sensibilité et des catégories de l'entendement (une reconfiguration du sens) qui entrainent une modification de degré et des nouvelles limites de la morale, de l'éthique, de ce que l'on peut ou ne pas faire, de ce qui donne ou ne donne pas de valeur, le partage entre l'autorisé et l'interdit, la substitution des capacités techniques à des capacités biologiques.

Toutes les possibilités ne sont pas accessibles en même temps dans l'action même.

L'homme se trouve dans la situation où il croit être capable de faire le même travail que la nature, un artifice naturel si l'on peut dire.

LE PARTAGE ENTRE NATUREL ET ARTIFICIEL DOIT ETRE SERIEUSEMENT REPENSE.

La situation présente se caractérise par un brouillage entre nature et artifice et la proximité accrue du faire et du connaitre. Une réflexion approfondie doit-être entreprise sur l'agir humain qu'il aurait lui-meme engagé, mais qu'il ne serait pas en mesure de maitriser totalement.

SI L'HOMME LIBRE PEUT FAIRE UNE CHOSE, IL PEUT TOUT AUSSI BIEN NE PAS LA FAIRE d'après la définition traditionnelle du libre arbitre (l'action humaine libre).

L'orientation de l'action technique n'est plus du connaitre au faire mais du faire au connaitre (observation des phénomènes de la nature dans l'intention de les reproduire et de les améliorer).

Nous sommes pris dans un mouvement dont les moteurs sont des facteurs impersonnels que rien ne semble pouvoir arrêter (les ressources d'action et les moyens mis au service des êtres humains sont considérables). Il nous faut donc l'assumer, nous ne pouvons pas l'arrêter ou y échapper.

RIEN D'AUTRE QUE LE PROGRES NE PEUT DE MANIERE VRAISEMBLABLE APPORTER DE SOLUTIONS AUX PROBLEMES QU'IL A LUI-MEME CREES.

Dans une telle situation, l'éthique risque bien de se limiter à réaliser un travail d'accommodation du réel, destiné à faciliter l'acceptation des évolutions en cours plutôt que de mettre un frein à celles dont on ne veut à aucun prix.

Il sera difficile de conserver la définition traditionnelle de la responsabilité humaine.

Les hommes croient qu'ils pourront un jour se fabriquer eux-mêmes, et qu'ils pourront aussi fabriquer la nature (DESCARTES).

Un changement radical du rapport à la naissance ne peut manquer d'avoir des conséquences considérables sur la compréhension de la condition humaine.

La liberté des parents qui exigent avoir l'enfant qu'ils souhaitent, la liberté de l'enfant à venir qui consiste à préserver ses intérêts fondamentaux.

Les femmes pourraient tout simplement ne plus avoir le désir de porter leur enfant (utérus artificiel, une forme de couveuse, une gestation en dehors du corps de la femme, une gestation pour autrui).

L'homme donnera-t-il à des entités des capacités susceptibles de mettre en cause son propre pouvoir ? Lorsque la matière sera totalement maitrisée (possibilité de récréer la nature en s'émancipant du modèle naturel) la notion de finitude humaine sera-t-elle remise en cause ?

Aujourd'hui le fait de mourir est une séquence longue, un moment à part entière de la vie humaine, le temps de la souffrance, de la dégradation, ce temps ne fait que s'allonger, la mort est devenue un processus de plus en plus long plutôt qu'un événement. Autrefois la brièveté des agonies et les grandes souffrances qui les accompagnaient, ne laissait guère le temps d'accéder à un espoir nouveau de la vie dans l'approche meme de la mort.

Les personnes attendent davantage avant de commencer à vivre vraiment, et prennent tardivement les décisions majeures de l'existence (nous vivons plus longtemps au sens où nos choix de vie sont moins définitifs).

INTERROMPRE CE PROCESSUS DE TRANSFORMATION ENGAGE PARAIT CHOSE IMPOSSIBLE.

Ce progrès s'impose de lui-même dans sa capacité de se donner à lui-même des formes nouvelles auxquelles on n'avait pas songé d'emblée. Nous n'avons plus les moyens de maitriser le progrès. Nous pouvons intervenir au niveau des applications et de l'utilisation des découvertes scientifiques et de la technologie (distinction entre science et technologie difficile à tracer).

LE CARACTERE BENEFIQUE OU MALEFIQUE de toutes ces techniques dépend de leur intégration sociale.

Le risque éthique renvoie moins à la possibilité toujours présente de mal faire qu'au risque d'avoir perdu le sens de ce que signifie mal faire.

Avons-nous le devoir moral d'améliorer l'homme ou à l'inverse, le premier devoir moral de conserver l'homme tel que nous le connaissons ?

Avons-nous l'espoir d'une nouvelle signification de l'éthique qui ne serait plus comprise à partir de règles et de limites ?

Tant que l'homme aura la capacité de regarder l'autre et de se comparer à lui sous la forme de la rivalité et de l'envie, cet homme connaitra la mal, qu'il ait des capacités décuplées et la technique, ne saurait éradiquer le mal en l'homme à moins de le transformer en une machine autosuffisante.

Le mal a pour condition meme la complexité et la pluralité des psychologies, la possibilité d'une appréciation subjective, la comparaison, la rivalité est alors ouverte.

NOUS SOMMES DANS LA NATURE MEME DU MAL HUMAIN.

PROGRAMME DE DESCARTES

"Nous sommes devenus maitres et possesseurs de la nature, nous avons fait en sorte que la nature soit de moins en moins une donnée extérieure à nous, et de plus en plus notre propre création".

Il faut faire du futur un présent, réduire à un instant la durée temporelle qui nous sépare du futur et découvrir en totale lucidité l'un des scénarios que nous réserve l'avenir (qui peut-être catastrophique).

Les différences entre l'intellectuel et le moral s'estompent. Considérer le futur comme s'il était un scénario du présent est déjà une forme d'engagement moral.
L'urgence, l'importance et la pertinence du réel et des éléments qui le composent donnent à ces derniers une forme de saillance.

La complexité du monde ne nous permet plus de séparer vertus intellectuelles et morales.

L'éthique permet surtout d'acquérir une conscience lucide de la présence du mal, d'en limiter les manifestations, tenter de neutraliser autant que possible les effets du mal. Le principe du mal est toujours actif dès qu'il y a passions humaines. Mettre un terme au mal serait une prétention irréaliste.

LES VALEURS A SAUVEGARDER :

Description sans fard des caractéristiques de la situation du monde, de la condition de l'humanité.

Une éducation de la sensibilité, de la perception des risques, une prise de conscience et de connaissance de ce à quoi nous tenons le plus - valeurs ou réalités du monde -

Préserver le sens d'une civilisation humaine.

Conserver une empathie fondamentale avec les autres êtres humains, exigence d'universalité.

Sauvegarder les conditions qui permettent aux personnes d'exercer leur liberté.

Le monde uniforme, complexe, embrouillé doit acquérir une cohérence et doit devenir un monde structuré (axes à définir en termes de valeurs et de normes).

Les actions humaines publiques ont besoin d'être légitimées au delà du monde occidental (pour agir il faut exhiber un sujet qui agisse).

La condition de la légitimité conduit à l'action faible voir à l'impuissance, car en général le sujet collectif n'agit pas ou agit mal, la recherche de la légitimité va souvent de pair avec une certaine impersonnalisation ou dépersonnalisation des actions sans sujet ou très largement collectives qui coulent de source.

La construction d'un monde pacifié oblige aujourd'hui à rechercher constamment la légitimité des actions entreprises, qui peut paralyser et dissoudre le potentiel d'action.
Le talent du politique réside dans le fait d'être assuré de la légitimité de sa décision (accéder à la meilleure décision et la rendre ensuite légitime).

Les différentes sources : la consultation, l'efficacité, la légitimité historique.

Des valeurs qui touchent au respect de la personne humaine (liberté, perfectionnement, choix entre des options distinctes) au maintien des traits fondamentaux de la condition humaine.

IL PARAIT ESSENTIEL DE PRESERVER LES CONDITIONS D'UN EXERCICE DE LA SENSIBILITE HUMAINE ET DES EMOTIONS AVEC TOUTES LES VERTUS QUI EN DECOULENT, L'EMPATHIE ET LE RAPPORT AUX AUTRES.

Faire valoir l'unité du genre humain dans le souci de préservation du sens, et de ce que signifie une civilisation humaine dans son unité et ses différences.

Laisser s'épanouir toutes les formes de vie humaines.
La recherche de la quantité n'a jamais été à elle seule un principe de progrès.

Le bonheur humain dépend de biens ou d'activités qui ont véritablement un sens, qui sont des formes d'accomplissement des potentialités humaines et de la personnalité humaine (la coopération, le sens de l'oeuvre commune surtout dans les périodes de désarroi).

Voir dans l'autre un autre soi-même, être en empathie, nécessité d'être très structuré soi-même.

Comment concilier un individualisme accru et une interdépendance renforcée avec tous les autres ?

Une nouvelle définition de la solidarité à l'échelle du réel et du virtuel est-elle venue établir un lien causal entre l'action humaine et un mauvais état du monde ?

La quête acharnée de l'autonomie et le conformisme croissant des opinions et des gouts nous obligent à mieux comprendre le lien entre les individus et les groupes.

Lorsqu'il n'y a pas de lien causal évident, l'état du monde porte sur l'homme qui ne fait pas, sur l'ensemble des actions engagées ensemble par les hommes et qu'ils n'ont pas accomplies, des actions sans responsables.

Etablir un lien causal entre tout état du monde (surtout malheureux) et une pareille mutation de la notion de responsabilité, pose des problèmes fondamentaux pour la définition des libertés individuelles.

IL SERA DIFFICILE DE PRESERVER LA NOTION DE LIBERTE INDIVIDUELLE.

Nous devons préserver la responsabilité individuelle et d'autonomie personnelle nécessaires à la protection de nos libertés, sans elles tout individu serait tout de même accusé et empêché d'agir au nom d'actes mauvais commis ou non.

Il faut réviser notre conception de la responsabilité, la formulation d'une responsabilité impersonnelle traduisant au jour d'aujourd'hui l'interdépendance et la solidarité, pas de l'assistance.

CHACUN DE NOUS PEUT OBJECTIVEMENT CONTRIBUER A UNE MECANIQUE DE L'HORREUR, FABRIQUER LE MAL SANS LE VOULOIR, CETTE POSSIBILITE EST INSCRITE DANS LA COMPLEXITE MEME DU MONDE.

Comment reconnaitre la forme de nos actions ?

Le fait de ne pas regarder est déjà une responsabilité, nous devons absolument être lucide sur ce point, c'est la condition même de la préparation éthique que nous devons accomplir.

EXTRAIT DE LA PHILOSOPHIE MORALE ET POLITIQUE CONTEMPORAINE, DES ASPECTS SOCIAUX ET ETHIQUES, DES PROGRES TECHNOLOGIQUES ET SCIENTIFIQUES (DIRECTION DE LA RECHERCHE AU CNRS ET DE L'ECOLE NORMALE SUPERIEURE 2008).

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